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vient désert ; les voix, qui se croisaient en tous sens dans un brouhaha confus, s’assoupissent, et chaque place vide n’exprime que trop vivement l’horrible : cela fut ! »

Une heure sonna. L’invalide entra dans le cabinet et dit d’un air grognon : « Monsieur devrait pourtant enfin quitter la fenêtre et manger, sans quoi tout va se refroidir. — Est-ce que tu as de l’appétit, cher cousin ? demandais-je. — Oh ! oui, répondit le cousin avec un douloureux sourire ; tu vas le voir immédiatement. » L’invalide le roula dans la chambre. Le dîner consistait en une petite assiette à soupe pleine de bouillon gras, en un œuf mollet debout dans un coquetier et en un demi-petit pain blanc.

« Une seule bouchée de plus, dit doucement et tristement le cousin en me serrant les mains, le plus petit morceau de viande légère m’occasionnent les souffrances les plus insupportables, m’enlèvent toute énergie et me font perdre cette dernière étincelle de bonne humeur qui tâche encore de se réveiller par-ci par-là. »[1]

Je regardais la feuille de papier attachée au paravent, en me jetant dans les bras du cousin et le pressant vivement contre moi.

« Oui, oui, cousin, » s’écria-t-il d’une voix qui me pénétra jusqu’au plus profond de mon cœur ; puis il ajouta avec une mélancolie navrante : « Oui, cousin, et si male nunc, non olim sic erit. »

Pauvre cousin !

  1. Peinture exacte de la situation où se trouvait alors Hoffmann. (Note d’Hitzig)