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tumulte afin de pêcher en eau trouble. Vois, cher cousin, comme aujourd’hui, au contraire, le marché offre la gracieuse image du bien-être et de la paix morale ; je sais qu’il y a des rigoristes enthousiastes, des enragés patriotes qui voient d’un mauvais œil cette augmentation de bonne tenue extérieure du peuple, en s’imaginant que ce vernis de mœurs lui fait perdre son cachet populaire. Quant à moi, j’ai la ferme et intime conviction qu’un peuple peut traiter son compatriote aussi bien qu’un étranger, non avec grossièreté et un esprit railleur, mais avec politesse, sans perdre nullement par là son caractère. Et cependant je serai fort mal reçu desdits rigoristes quoique avec de frappants exemples à l’appui de la vérité de mon opinion.


La cohue avait diminué de plus en plus, le marché se vidait peu à peu ; les marchands de légumes emballaient leurs paniers sur des voitures, ou les transportaient à bras. Les voitures de farine partaient ; les jardinières entassaient sur de grandes brouettes les fleurs qu’elles n’avaient pas vendues. La police se montrait active à maintenir l’ordre dans les files de voitures ; et cet ordre n’eût pas été troublé, s’il n’était arrivé de temps en temps quelque jeune paysan schismatique ayant la prétention de créer un nouveau détroit de Behring à travers la place et de diriger sa course hardie au milieu des étalages de fruits, juste contre la porte de l’église allemande. Il en résultait alors bien des cris et bien des malheurs pour l’audacieux charretier. « Ce marché, se mit à dire mon cousin, est encore maintenant une fidèle image de la vie toujours changeante. Une activité fiévreuse, le besoin du moment réunit des masses d’hommes ; puis, au bout de quelques instants, tout rede-