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bane de charbonnier les choses peuvent se passer très patriarcalement. Le petit charbonnier est, du reste, d’une force de géant, et la famille s’en sert pour faire porter les sacs de charbon aux pratiques. Je l’ai vu souvent, chargé par la femme d’au moins dix grands paniers empilés sur son dos, et il s’en allait en sautillant comme s’il n’eût pas senti le poids. Par derrière, sa tournure est on ne peut plus comique et extravagante à voir. Naturellement on n’aperçoit pas le plus petit brin de la figure du gaillard ; on ne voit qu’un horrible sac à charbons sous lequel on dirait qu’il a poussé deux petits pieds. Il ressemble à une bête fabuleuse, à une sorte de kangourou impossible qui sautille à travers le marché.

MOI. — Tiens, tiens, regarde, cousin, là-bas, près de l’église, on fait vacarme. Deux jardinières se sont probablement prises de querelle à propos du tien et du mien, et, à les voir les poings sur les hanches, nul doute qu’elles ne se débitent les propos les plus délicats. Le peuple accourt, un cercle épais se forme autour des querelleuses ; leurs voix deviennent de plus en plus fortes et percantes, leurs mains fendent l’air avec vivacité. Elles se rapprochent de plus en plus ; tout à l’heure les coups de poing vont pleuvoir. La police se fait faire place. Comment ? tout à coup j’apercois une foule de chapeaux luisants entre les furieuses ; on réussit à calmer les têtes échauffées des deux commères. La dispute est finie sans l’aide de la police. Les femmes retournent paisiblement à leurs paniers de légumes. Le peuple qui, aux instants les plus violents de la dispute, manifestait son approbation par ses bruyantes clameurs, se disperse.