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et indispensable sur la note du jour de marché. C’est bien. — Voici venir une dame à la mise de laquelle on reconnaît clairement l’aisance. — Elle s’arrête devant l’invalide, tire une toute petite bourse, cherche et cherche, et ne trouve pas de pièce de monnaie assez menue pour faire la charité. — Elle appelle sa cuisinière. — Mais celle-ci a dépensé également sa petite monnaie. — Il faut qu’elle change d’abord auprès de la jardinière. — Enfin voilà une pièce de trois hellers (liards) trouvée, elle frappe alors sur la main de l’aveugle pour le bien avertir qu’il va recevoir une offrande. — L’aveugle ouvre le creux de sa main ; la bienfaisante dame lui met la pièce dedans, puis lui referme la main de peur qu’il ne perde ce splendide cadeau. — Pourquoi cette mignonne petite demoiselle trottine-t-elle ainsi de côté et d’autre en s’approchant toujours de plus en plus du côté de l’aveugle ? — Ha ! elle lui a vite glissé en passant une pièce que personne n’a certainement vue que moi, qui tiens le bout de ma lorgnette braqué sur elle. — Ce n’est pas une misérable pièce de trois hellers. — L’homme important et gros, en habit brun, qui arrive là-bas, est certainement un riche bourgeois. Lui aussi s’arrête devant l’aveugle et entre en longue conversation avec lui, ce qui bouche le chemin aux autres gens et les empêche de faire leur aumône à l’aveugle. — Enfin, enfin, il tire une grosse bourse verte de sa poche, la dénoue , non sans peine, et fouille si vivement dans son argent, qu’il me semble l’entendre cliqueter d’ici. — Parturiunt montes[1]. — Cependant je veux réellement croire que, saisi par l’image de la misère, le noble philanthrope

  1. La montagne accouche.