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MOI. — Quelle singulière tournure ! — Un chapeau de soie sans formes qui nargue toutes les modes, avec des plumes bigarrées qui voltigent dans les airs ; — un petit surtout de soie, qui n’a rien gardé de sa couleur primitive. — Par-dessus, un châle assez honnête ; — la garniture de gaze de sa robe de coton jaune lui descend jusqu’à la cheville du pied. — Bas gris bleu. — Bottines lacées. — Derrière elle une superbe servante avec des paniers, un filet à poissons, un sac à farine. — Bon Dieu de là-haut ! quels regards furieux la soyeuse personne jette autour d’elle, et avec quelle fureur elle se précipite dans les groupes les plus serrés ! — Comme elle saisit tout, légumes , fruits, viandes ! Comme elle examine tout ! Comme elle tâte tout ! Comme elle marchande tout pour ne rien acheter !

LE COUSIN. — Cette femme-là, qui ne manque pas un marché, je l’appelle la ménagère enragée. Il me semble qu’elle doit être la fille d’un riche bourgeois, peut-être d’un fabricant de savons aisé, dont la main avec les annexes (la dot) a été obtenue non sans peine par quelque petit secrétaire intime. Le ciel ne l’a douée ni de beauté ni de grâces ; par contre, elle passait chez tous les voisins pour la jeune fille la plus laborieuse et la meilleure ménagère ; et c’est la vérité. Du matin au soir elle s’agite tant dans son ménage, que le pauvre secrétaire intime effrayé voudrait être au pays du poivre[1]. Tous les registres à trompettes et à cymbales des achats, des commandes, des petites empiètes et des besoins si variés du ménage, sont

  1. Comme nous disons : à tous les diables.