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neuf. Aussi me racontait-il parfois toutes sortes de charmantes histoires qu’il inventait, au milieu d’affreuses douleurs. Mais le méchant démon de la maladie avait barré le chemin que la pensée aurait dû suivre pour arriver à se formuler sur le papier. Ainsi quand mon cousin voulait écrire quelque chose, non seulement ses doigts lui refusaient le service, mais la pensée elle-même s’était évanouie et envolée. Aussi tombait-il dans la plus noire mélancolie.

« Cousin, me disait-il un jour d’un ton qui m’effraya, cousin, c’en est fait de moi. Je me fais l’effet de ce vieux peintre halluciné qui restait assis des journées entières devant une toile tendue dans le cadre, chargée seulement de quelques couleurs, et qui vantait à ses visiteurs les beautés sans nombre du magnifique chef-d’œuvre qu’il venait de finir ; — je renonce à la vie active et créatrice, — mon esprit se retire dans sa cellule. »

Depuis ce temps, mon cousin ne se laissait plus voir ni par moi ni par personne. Le vieil invalide grognard nous repoussait de sa porte en y bougonnant comme un hargneux chien de garde. Il est nécessaire de dire que mon cousin habite de petites chambres basses en haut de la maison. C’est aujourd’hui l’usage des écrivains et des poètes. Qu’importe un plafond bas si l’imagination vole haut et se construit une immense voûte aérienne qui monte jusqu’au ciel bleu et resplendissant ?

Le logis de mon cousin est situé dans le plus beau quartier de la capitale, c’est-à-dire sur le grand marché, qui est entouré de bâtiments de luxe et au milieu desquels resplendit le théâtre colossal, bâti avec tant de