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s’écrie l’Amsterdamois. Georges est là, ton frère qui est venu exprès d’Amsterdam pour te voir, toi qu’il n’a pas vu depuis trente ans et qu’il voulait revoir au moins encore une fois. » Mais le vieux colonel reste immobile et chuchotte : « St-st-st ! la bête se meurt. » Alors seulement le frère comprit que le point noir était un petit ver qui se tordait dans les convulsions de la mort, et respectant la passion du colonel, il s’assied silencieusement à côté de lui ; mais quand enfin une heure s’écoula avant que le colonel s’embarrassât de regarder son frère, celui-ci se lève de sa chaise avec impatience, quitte la chambre avec un gros juron hollandais, et part à l’instant même pour retourner à Amsterdam, sans que le colonel y prit garde le moins du monde.

Demande-toi, Édouard, si tu entrais dans ma cabine et si tu me trouvais en contemplation de quelque insecte remarquable, crois-tu que je resterais immobile à regarder l’insecte ou que je me jetterais dans tes bras ? Il faut bien penser, mon cher ami, que le règne des insectes est justement le plus merveilleux, le plus mystérieux de toute la nature. Si mon ami Broughton a affaire au monde des plantes et des animaux complétement formés, moi, au contraire, je suis établi dans la patrie des êtres étranges et inconnus qui forment la transition et le lien entre les deux mondes. Mais je m’arrêté pour ne pas t’ennuyer et ajoute seulement, pour tranquilliser et réconcilier ton âme poétique avec moi, qu’un spirituel poëte allemand nomme les insectes dans la parure de leurs belles couleurs nuancées, « des fleurs -devenues libres. » Récrée-toi de cette belle image.