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pagner Broughton ; mais le noble caractère qui a partagé avec moi son cœur et son âme a appuyé si chaudement mon désir, que le gouverneur y a accédé. Par l’en-tête de cette lettre, tu vois que Broughton et moi venons de nous mettre en voyage. Oh ! la belle vie qui m’attend ! Je me sens le sein gonflé d’espoir et d’impatience, quand je pense, chaque jour, à toute heure, combien la nature va m’ouvrir son riche sanctuaire où je pourrai m’approprier tel bijou qui n’aura jamais été découvert et appeler miennes des merveilles qui n’auront même pas été entrevues de personne !

Je te vois sourire ironiquement de mon enthousiasme ; je t’entends dire : — Bon, le voilà qui va revenir avec une manie toute nouvelle en poche ; mais si je lui demande quelque chose des goûts, des mœurs, des coutumes, des manières de vivre de ces peuples étrangers qu’il aura vus, si je veux connaître quelques détails intimes tels qu’on ne les trouve que dans mille relations de voyages et comme on ne peut les apprendre que de bouche à bouche, le voici qui me montre un manteau et un collier de corail. Sur tout le reste, il ne sait que me dire ; au milieu de ses cirons, de ses scarabées, il oublie les hommes.

Oui, je le sais, tu trouves singulier que j’applique toutes mes recherches au règne des insectes, et à cela je ne puis te répondre que la puissance éternelle a ainsi disposé de mes attractions au plus profond de mon être, et que les attractions ne peuvent aboutir que là. Mais tu n’as pas à me reprocher que ce fait, qui te semble si étrange, me lasse négliger les hommes, mes parents et mes amis. — Jamais je n’en arriverai à imiter le vieux lieutenant-colo-