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Carmes et confesseur de la maison. Il réussit merveilleusement à tirer Herménégilde de son abattement et de son délire. Bien plus, bientôt calme et de sang-froid, elle tint à la princesse des discours fort suivis, et lui exprima le désir d’aller, après ses couches, vivre, pénitente et désolée, dans le couvent de l’ordre de Citeaux, à Oppeln. Elle avait ajouté à ses habits de deuil un voile qui lui couvrait entièrement le visage, et qu’elle ne leva plus jamais.

Le père Cyprien quitta le château, mais il revint au bout de quelques jours. Cependant le prince Zapolski avait écrit au bourgmestre de Lilinitz, chez lequel Herménégilde devait attendre sa délivrance ; l’abbesse du couvent de l’ordre de Citeaux, alliée de la maison, devait la mener à Lilinitz, pendant que la princesse ferait un voyage en Italie, accompagnée en apparence d’Herménégilde.

Il était minuit ; la voiture qui devait conduire Herménégilde au couvent était prête devant la porte. Accablé de douleur, Népomucène, le prince et sa femme attendaient la malheureuse enfant dont il leur fallait prendre congé. Elle parut, couverte de son voile, à côté du moine, qui tenait un flambeau dont la lumière éclaira le vestibule.

— La sœur Célestine a grièvement péché, dit Cyprien d’une voix solennelle, quand elle appartenait encore au monde, car le crime de Satan a souillé sa pureté ; mais un vœu qu’elle ne rompra jamais lui procurera des consolations, le calme et le bonheur éternel ! Jamais le monde ne reverra le visage dont la beauté a tenté le démon ! Regardez : ainsi Célestine commence et accomplit son expiation.

À ces mots, le moine leva le voile d’Herménégilde, et tous poussèrent un cri perçant ; car ils virent le pâle masque de mort sous lequel Herménégilde avait caché pour toujours l’angélique beauté de ses traits.

Sans proférer une seule parole, elle se sépara de son père, qui, brisé par la douleur, crut qu’il n’aurait plus la force de supporter la vie. Le prince, homme plus ferme, versa cependant des torrents de larmes, et la princesse seule, domptant de toute son énergie l’horreur que lui inspirait ce vœu fatal, parvint à rester maîtresse d’elle-même.

Comment le comte Xavier découvrit la retraite d’Herménégilde et apprit la consécration du nouveau-né à l’église, c’est ce qui reste inexpliqué. Il lui fut inutile d’avoir enlevé son fils ; car, lorsqu’il arriva à