Page:Hoffmann - Contes nocturnes, trad de La Bédollière, 1855.djvu/299

Cette page n’a pas encore été corrigée

ses réflexions. Il songeait aux exploits de l’homm que les Polonais invoquaient alors comme une fausse idole.3 Tout à coup la porte s’ouvrit, et Herménégilde parut en grand deuil et presque entièrement couverte d’un long voile noir ; elle s’approcha de son père à pas lents et solennels, tomba à ses genoux, et dit d’une voix tremblante :

— Ô mon père ! le comte Stanislas, mon bien-aimé fiancé, n’est plus ! Il est tombé en brave dans une lutte sanglante ! Sa déplorable veuve est à genoux devant toi.

Le comte Népomucène dut considérer ces paroles comme une nouvelle preuve du dérangement de l’esprit d’Herménégilde, d’autant plus que le jour précédent il avait reçu des nouvelles de la bonne santé de Stanislas. Il releva doucement la jeune fille.

— Rassure-toi, ma chère fille, dit-il, Stanislas se porte bien. Bientôt il sera dans tes bras.

Herménégilde poussa un soupir qui ressemblait au râle d’un agonisant, et, déchirée par une douleur sauvage, elle s’affaissa et tomba à côté de son père sur les coussins du sofa. Elle fut quelques instants à se remettre, et reprit avec un calme singulier :

— Laisse-moi te dire, mon cher père, comment tout cela s’est passé, car il faut que tu le saches pour reconnaître en moi la veuve du comte Stanislas. Apprends qu’il y a six jours, au moment du crépuscule, je me trouvai dans le pavillon situé au sud de notre parc. Tout mon être, toutes mes pensées se tournèrent vers mon bien-aimé. Je sentis mes yeux se fermer involontairement ; je ne dormais pas ; mais j’étais plongée dans un étrange état auquel je ne puis donner que le nom d’hallucination. Bientôt tout bourdonna et tourna autour de moi ; j’entendis un sinistre tumulte et un bruit de coups de feu qui se rapprocha de plus en plus. Je me levai, et fus bien étonné de me trouver dans une tente. Il était à genoux devant moi ; c’était bien mon Stanislas ! Je l’entourai de mes bras, je le pressai contre mon cœur.

— Dieu soit béni ! m’écria-je ; tu vis, tu es à moi !

Il me dit qu’immédiatement après la cérémonie nuptiale j’étais tombée dans un évanouissement profond, et ce fut alors seulement