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Après Herménégilde, personne n’était plus propre au conseil et à l’examen des questions que le comte Stanislas de Ramskay, jeune homme de vingt ans, ardent et doué de grandes qualités. Il arrivait donc que souvent Herménégilde et Stanislas dirigeaient seuls la conversation dans les discussions difficiles. Seuls, ils examinaient, acceptaient, rejetaient et amendaient les propositions ; et souvent le résultat de ces entretiens entre deux jeunes gens était adopté forcément par des vieillards habiles à traiter les affaires de l’État, et dont les anciens conseils avaient prouvé la prudence et la capacité.

Il était naturel de songer à une union entre ces deux jeunes gens, dont les talents surnaturels pouvaient être l’instrument du salut de la patrie. En outre, une alliance étroite entre leurs familles semblait en même temps demandée par la politique, parce qu’on les croyait animées l’une contre l’autre par des intérêts opposés, circonstance qui avait entraîné la chute de plusieurs familles polonaises.

Herménégilde, pénétrée de ces vues, accepta, comme un présent de la patrie, l’époux qu’on lui destinait. Les réunions patriotiques qui se tenaient au château de son père se terminèrent par les fiançailles solennelles d’Herménégilde et de Stanislas.

On sait que les Polonais succombèrent, et que la chute de Kosciusko entraîna celle d’une entreprise basée sur une trop grande confiance des combattants en eux-mêmes, sur de fausses prévisions, et sur une fidélité chevaleresque.

Le comte Stanislas, auquel ses débuts dans la carrière militaire, sa jeunesse et sa force assignaient une place dans l’armée, se battit avec le courage d’un lion : il échappa avec peine à une honteuse captivité, et revint grièvement blessé. Seule encore Herménégilde l’attachait à la vie ; il croyait trouver dans ses bras des consolations et l’espérance qu’il avait perdue. Dès que ses blessures commencèrent à se cicatriser, il courut au château du comte Népomucène, où il devait être de nouveau et plus douloureusement blessé.

Herménégilde le reçut avec une hauteur presque dédaigneuse.

— Vois-je le héros qui voulait mourir pour sa patrie ? s’écria-t-elle en allant à sa rencontre.

Il semblait que dans son fol enthousiasme elle considérât son fiancé comme un paladin des temps héroïques dont l’épée pouvait à elle seule anéantir des armées.

En vain il l’implora avec l’accent de l’amour le plus passionné ; en