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à qui elles formèrent ainsi un auditoire complet.Cependant Salvator avait relevé l’épinette, il renversa le couvercle, prit sa palette, ses pinceaux, et commença d’une main ferme, sur cette mince planchette, un dessin qui tenait du prodige. L’idée principale était empruntée à l’opéra de Cavalli, les Noces de Thétis ; mais à travers cette scène, d’un aspect tout fantastique, surgissaient et se confondaient vingt autres personnages. Au milieu d’eux, l’on distinguait Capuzzi, Antonio, Marianna fidèlement reproduite d’après le tableau d’Antonio, Salvator lui-même, dame Catterina et ses deux filles, tous parfaitement reconnaissantes, sans en excepter le docteur Pyramide ; et l’ensemble était si bien ordonné. si ingénieusement conçu, qu’Antonio ne revenait point de sa surprise de tant d’imagination et d’habileté.

Capuzzi ne se borna pas à la scène qu’avait mentionnée Salvator, mais il chanta, ou plutôt massacra, dans le transport de sa frénésie musicale, vingt ariettes diaboliques l’une après l’autre, se débattant au travers des récitatifs les plus inextricables.

Cela pouvait avoir dure deux heures ; alors il tomba sans haleine sur le fauteuil, la figure d’un brun de cerisier. Mais à l’instant même Salvator avait mis son croquis à l’effet et rendu ses figures si vivantes, qu’à peu de distance on croyait voir un tableau achevé. « J’ai tenu parole et voici l’épinette, mon cher signor Pasquale, » dit-il doucement à l’oreille du vieillard. Celui-ci se réveilla comme d’un profond sommeil, et son regard tomba en même