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« J’ai pourtant, ajouta Salvator, avant de remplir ma promesse, à vous faire une petite condition qu’il vous sera bien facile de remplir, mon digne et excellent signor Pasquale Capuzzi di Senigaglia. Vous êtes le premier compositeur de toute l’Italie, et en outre, le chanteur le plus parfait qui existe. J’ai entendu avec ravissement la grande scène de l’opéra des Noces de Thétis et Pélée, que cet infâme Francesco Cavalli vous a volée si effrontément, et qu’il est si incapable d’avoir composée. — Si vous daigniez, pendant que je vais m’occuper de réparer l’épinette, nous chanter cet air ? Il n’est rien au monde, en vérité, qui puisse m’être plus agréable. »

Le vieux Capuzzi se démit presque la mâchoire pour effectuer le sourire le plus doucereux, et disait, en clignotant ses petits yeux gris : « On reconnaît aisément que vous êtes vous-même fort bon musicien, mon cher Signor, car vous avez un goût sûr, et vous savez mieux apprécier les talents distingués que ces ingrats Romains. — Ecoutez l’air, le chef-d’œuvre des airs ! »

En même temps le vieillard se leva, se haussa sur la pointe des pieds, ouvrit de grands bras, et ferma les yeux, de façon qu’il ressemblait tout à fait à un coq qui s’apprête à chanter ; et soudain il se mit à beugler si fort que les murs en résonnaient et qu’immédiatement dame Catterina et ses deux filles arrivèrent en toute hâte dans l’atelier, persuadées que ces cris horribles et lamentables annonçaient quelque malheur. — Toutes stupéfaites elles s’arrêtèrent sur le seuil en voyant l’incroyable virtuose,