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un sourire gracieux au possible, fermant à demi ses petits yeux, se caressant le menton et la moustache et murmurant coup sur coup : « délicieux ! exquis ! » sans qu’on sût au juste sur quoi il s’extasiait, du vin on du tableau.

Dès que Salvator vit le vieux bien dispos, il commença tout d’un coup : « Mais, à propos, mon digne Signor, on dit que vous avez une nièce délicieuse, ravissante, appelée Marianna. Tous nos jeunes gens courent à l’envi et plein d’un délire amoureux dans la rue Ripetta, et c’est à qui gagnera le torticolis à regarder au haut de votre balcon pour entrevoir un seul instant votre charmante Marianne et recueillir le moindre de ses regards célestes. »

En un clin d’œil disparut sur le visage du vieillard et le sourire flatteur et l’air de gaîté que le vin y avait allumés. Le regard immobile, il dit d’une voix sombre et altérée : « Oui ! telle est la profonde corruption de cette jeunesse criminelle. Des enfants servent de but à leurs œillades sataniques, les séducteurs exécrables ! Car, c’est comme je vous le dis, mon cher Signor, ma nièce Marianna n’est encore qu’un enfant, un tendre enfant à peine revenu de nourrice… »

Salvator entama d’autres propos, et le vieillard reprit contenance. Mais à l’instant où, les traits rassérenés, il allait de nouveau porter le verre plein à ses lèvres, Salvator recommença à l’interpeler : « Mais dites-moi donc, mon cher Signor, cette nièce de seize ans, votre gentille Marianna a-t-elle effectivement les mêmes cheveux brun-châtain, et ce même