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était le premier peintre et que Raphaël n’entendait rien à la carnation. Certes dans cet espagnol il y a de la chair, mais tout est muet, et cependant à San-Luca ils le portent aux nues, parce qu’une fois il a peint des cerises que les pierrots sont venus becqueter. »

Bientôt aprés, le jour arriva où les académiciens de San-Luca s’assemblaient, dans leur église, pour juger les ouvrages des peintres qui prétendaient à leur admission. C’était là que Salvator avait fait placer le joli tableau de Scacciati. Les peintres furent séduits, malgré eux, par la vigueur et la grâce de cette peinture, et chacun se confondit en éloges outrés, lorsque Salvator eut déclaré qu’il avait apporté de Naples ce tableau, seul héritage d’un jeune peintre mort récemment. En peu de jours toute la ville de Rome afflua pour admirer la toile du jeune peintre inconnu et défunt.

On tomba d’accord que, depuis Guido Reni, aucun ouvrage n’avait paru qu’on pût comparer à celui-là ; on alla même si loin, dans l’excès d’un juste enthousiasme, qu’on rangea la délicieuse Madeleine au-dessus de tout ce que Guido avait produit dans le même genre. — Dans la foule des spectateurs, Salvator un jour remarqua un homme aussi singulier d’aspect que par ses étranges façons d’agir. Il était avancé en âge, grand, maigre comme un fuseau, avec une figure pâle, des yeux gris et étincelants, un nez long et pointu et un menton presque aussi long recouvert d’une mèche de poils en forme de dard ; il avait une épaisse perruque d’un blond fade, un cha-