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mêlât des cendres dans sa chaux, dans le but d’empêcher que, l’enduit devenu impropre à se lier et à adhérer au mur, la peinture pût acquérir aucune consistance ? Pesez bien tout cela, et mesurez si vos forces sont capables de résister à de tels assauts, car autrement, votre volonté fléchira, et, avec le ferme courage de produire, s’éteindra aussi le talent qui y est nécessaire.

« Oh ! Salvator, répliqua Antonio, il est à peu près impossible que j’aie plus de mépris et de dédains à redouter quand j’aurai embrassé tout-à-fait la profession de peintre, que je n’en essuie à présent dans l’état de chirurgien. Vous avez éprouvé quelque plaisir à la vue de mes tableaux ; oui, vous avez dit, à coup sûr par une conviction intime, que je serai capable un jour de créer quelque chose de mieux que beaucoup de nos Messieurs de San-Luca ; et pourtant ce sont précisément ceux-là qui, au sujet de mes ouvrages les plus consciencieux, font les dégoûtés, et disent dédaigneusement : Voyez donc, le chirurgien qui veut peindre ! Mais c’est justement là ce qui affermit ma résolution de répudier absolument un métier qui me devient tous les jours plus odieux. C’est en vous, mon digne maître, que j’ai mis tout mon espoir. Votre avis est d’un grand poids ; vous pouvez d’un seul mot, si vous le voulez, terrasser à jamais mes envieux persécuteurs, et m’assigner la place où je dois être.

« Votre confiance en moi est grande, répondit Salvator ; mais, sur ma foi ! depuis que nous nous sommes trouvés si bien d’accord sur notre art, depuis