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suppose que vous avez, plus d’une fois déjà, sans que j’y aie pris garde, jeté un regard furtif dans mon atelier, pour savoir si bien ce qui s’y passe !

« Cela était-il possible ? répondit Antonio, mais permettez-moi de continuer. — Les ouvrages que votre puissant génie vous inspire, je ne voudrais point les ranger mesquinement, comme les maîtres pédants s’efforcent de le faire, dans une catégorie unique. En effet, ce qu’on entend vulgairement par paysage s’applique mal à vos tableaux. J’aimerais mieux les appeler, dans un sens plus profond : compositions historiques. — Il me semble souvent que certain arbre, certain rocher envisage le spectateur d’un regard sévère, souvent que tel groupe de ces hommes si bizarrement costumés présente l’apparence de pierres mouvantes et merveilleuses. Toute la nature enfin, animée d’une vie commune, proclame, avec d’harmonieux accents, la sublime pensée qui jaillit de votre esprit. C’est de ce point de vue que j’ai contemplé vos tableaux, et c’est ainsi que je vous dois, et à vous seul, mon grand et excellent maître, une plus profonde intelligence de l’art. — Ne croyez pas cependant que je sois tombé dans la puérilité d’une imitation minutieuse.— Autant d’ailleurs j’envie la spontanéité, la hardiesse de votre pinceau, autant, je vous l’avouerai, le coloris de vos tableaux est disparate à mes yeux de celui que m’offre la nature. Or, s’il est, dans la pratique, profitable à l’élève de suivre le style de tel ou tel maître, il doit néanmoins, dès qu’il se soutient un peu et marche seulement