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de la nature et autant seulement que son apparition est nécessaire au complément de la scène et de la pensée. Voilà d’où vient, Salvator, la grandeur véritable qui imprime à vos paysages un si large caractère, tandis que la donnée historique vous impose des bornes qui arrêtent votre essor au détriment de la représentation.

« Oh ! vous répétez ceci, Antonio, interrompit Salvator, d’après les propos jaloux de nos peintres d’histoire qui me jettent les paysages comme le seul morceau bon à ronger pour moi, afin d’épargner leur propre pitance. Est-ce que j’entends en effet la moindre chose aux figures humaines et à tout ce qui s’y rapporte ?… Mais ces ridicules médisances…

« Ne vous fâchez pas, mon cher maître, continua Antonio, je ne répète aucune médisance sur personne aveuglément, et ce sont, à coup sûr, les peintres de cette cité de Rome et leurs jugements qui doivent m’inspirer la pire défiance. — Qui n’admirera pas, tout haut à votre honneur, le dessin hardi, l’expression merveilleuse de vos figures, mais surtout leurs mouvements pleins d’animation. Il est aisé de s’apercevoir que vous ne travaillez pas d’après des modèles impassibles, et encore moins sur le mannequin. On devine que vous vous servez à vous-même de modèle vivant et passionné, parce qu’en effet, soit pour vos dessins, soit pour vos tableaux, votre pensée, telle qu’une glace transparente, vous rend présent chaque personnage que vous méditez de reproduire. « Diantre ! Antonio, s’écria Salvator en riant, je