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Un jour il arriva que Salvator, qui semblait à peine en état de remuer un membre, fut saisi tout-à-coup d’une fièvre brûlante qui lui donna la force de sauter à bas de son lit. Il s’empara des flacons pleins de l’odieux breuvage, et les lança par la fenêtre avec fureur. Le docteur Splendiano Accoramboni allait précisément entrer dans la maison ; il se trouva donc atteint par plusieurs flacons qui se brisèrent sur sa tête, et la noire liqueur se répandit avec abondance sur la perruque, le visage et la fraise du docteur. Aussitôt il se précipita dans la maison en criant comme un possédé : « Signor Salvator est devenu fou, il est tombé en frénésie ! Il n’y a plus d’art pour le sauver : il est mort avant dix minutes. À moi le tableau, dame Catterina ! il m’appartient. C’est le moindre prix de mes peines, à moi le tableau, dis-je ! »

Mais lorsque dame Catterina eut ouvert le coffre et que le docteur Splendiano vit les vieux manteaux et les vieilles chaussures, ses yeux tournèrent dans leur orbite comme une paire de roues flamboyantes ; il trépigna, il grinça des dents, et, vouant le pauvre Salvator, la veuve et toute la maison à tous les diables de l’enfer, il s’échappa du logis avec la vitesse d’une baguette chassée de la bouche d’un canon.

Après les transports de son accès de fièvre, Salvator tomba dans un accablement presque léthargique. Dame Catterina crut réellement qu’il touchait à son heure dernière, et elle s’empressa d’aller chercher au couvent le père Bonifacio pour qu’il administrât l’extrême-onction au moribond. Quand il eut vu le ma-