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bouquet odorant, une chaise pliante et portative sous son bras, et se dirigea gaîment vers la hauteur en question. Là, il s’assit, et contempla tout à son aise avec ravissement les progrès de l’incendie, tantôt flairant le parfum de son bouquet, tantôt croquant un macaron ou buvant un petit verre de vin. — Ce personnage bizarre…

Il me rappelle, interrompit Vincent, un drôle de corps que j’ai rencontré pendant mon voyage dans le sud de l’Allemagne. J’étais allé me promener aux environs de B.... dans un petit bois, où je rencontrai plusieurs paysans occupés à abattre un taillis fort touffu, et à scier les branches de quelques arbres d’un côté seulement. Je demandai machinalement à ces gens s’il s’agissait de percer une nouvelle route ; mais ils me dirent en riant que je pouvais marcher droit devant moi, et que je trouverais à l’issue du bois, sur une hauteur, quelqu’un à qui je pourrais mieux m’informer.

En effet, je ne tardai pas à joindre un petit homme d’un certain âge, très pâle, habillé d’une redingote et d’un bonnet de voyage, avec une ceinture fort serrée, et qui regardait fixement, par une longue-vue, vers l’endroit où j’avais vu travailler les paysans. Dès qu’il s’aperçut de mon approche, il ferma son instrument, et me dit avec vivacité : « Vous venez du bois, Monsieur, où en est la besogne je vous prie ? » Je lui dis ce que j’avais vu. « C’est très bien, répondit-il, c’est très bien ! Je suis ici depuis trois heures du matin (or, il pouvait être six heures du soir), et