Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/452

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cule ; mais il l’était encore bien davantage par son avidité insatiable de plaisir, par son ardeur inouïe à poursuivre et à épuiser toute espèce de jouissance.

Il me revient à la mémoire deux traits caractéristiques de cette fatuité sénile et de ce besoin exagéré d’émotions, vraiment trop comiques pour que je ne vous en fasse pas part.

Imaginez-vous que mon homme ayant été invité, par une société dont plusieurs dames faisaient partie, à faire une promenade à pied pour visiter, dans les montagnes des environs, une chute d’eau remarquable, se para d’un habit de soie tout neuf, orné de superbes boutons d’acier poli, avec des bas de soie blancs, des souliers à boucles d’acier, et aux mains des bagues de prix. Or, il arriva qu’au beau milieu d’une sombre forêt de sapins, les promeneurs furent surpris par un violent orage. La pluie tombait par nappes, les ruisseaux débordés inondaient les chemins, et vous devez penser dans quel état mon pauvre ami fut réduit en peu d’instants. — Cependant, la nuit même le tonnerre tomba sur le clocher de l’église Saint-Dominique à G.... et l’incendia. Mon ami était transporté d’aise au magnifique spectacle de l’immense colonne de feu qui s’élevait jusqu’au ciel et projetait une lumière fantastique sur tous les objets d’alentour. Mais il réfléchit bientôt que ce tableau, vu du haut d’une colline qui dominait la ville, devait produire un effet beaucoup plus pittoresque. Aussitôt, il s’habilla de pied en cap, avec son cérémonial accoutumé, se munit d’un cornet de macarons et d’un flacon de vin fin, prit à la main un