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Contes

comme une lame de couteau qui rentre dans le manche, et ne pas naziller de la sorte en prononçant le plus petit r. Peut-être alors que les très honorables spectateurs n’eussent pas, ainsi que moi, reconnu notre petit directeur de prime abord, comme cela est arrivé, et ce qui fait grande pitié. — Mais, puisque la pièce doit durer encore une demi-heure, je veux avoir l’air jusqu’à la fin de ne m’apercevoir de rien, quelque ennuyeuse et déplaisante que soit ma tâche… chut ! »

Et à chaque nouvelle sortie du directeur, le vieux comédien contrefaisant son jeu avec ironie et de la façon la plus comique, on peut s’imaginer quels rires bruyants s’élevaient de tous les coins de la salle. — Notez bien, ce qui redoublait encore l’hilarité générale, que le directeur, occupé sans relâche de ses travestissements successifs, ne se douta pas un moment, jusqu’à la fin de la pièce, de la mystification dont il était l’objet. Peut-être bien le vieux railleur avait-il fait entrer dans son complot le tailleur du théâtre ; mais très positivement un désordre malencontreux s’était mis ce soir-là dans la garde-robe du pauvre directeur. Il en résultait de bien plus longs intervalles de temps entre ses apparitions, et le vieux, sur qui retombait la charge d’occuper la scène, avait le champ libre pour accumuler les sarcasmes les plus amers contre son supérieur, et pour le contrefaire, jusqu’aux plus petits détails, avec une vérité grotesque qui provoquait dans le public une gaîté délirante.

Ce qui n’était pas le moins récréatif, c’était d’en-