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qui parfois me cause un vif chagrin, je n’en aime pas moins plaisanter et m’égayer avec les enfants. Laissez-moi donc jouer avec le vôtre pendant le peu d’instants que j’ai à passer encore chez vous. — N’est-ce pas ? le petit a juste en ce moment neuf semaines accomplies ? » Giorgina confirma le fait, et remit, non sans une secrète répugnance, son enfant à Denner, qui s’assit avec lui devant la porte de la maison, et pria Giorgina de lui apprêter, sans tarder, à souper ; car il devait, disait-il, partir dans une heure.

À peine Giorgina fut-elle rendue dans sa cuisine, qu’elle vit Denner rentrer dans la chambre avec l’enfant sur son bras. Bientôt après, il se répandit dans la maison une vapeur d’une odeur singulière, qui semblait sortir de la chambre. Giorgina fut saisie d’une affreuse inquiétude ; elle courut promptement à la chambre et trouva la porte verrouillée en dedans. Il lui semblait entendre l’enfant gémir d’une voix comprimée. « Mon enfant ! sauve mon enfant des griffes du monstre ! sauve-le ! » s’écria-t-elle dans un horrible pressentiment, en courant au-devant du valet qui rentrait justement au logis. Celui-ci s’empara aussitôt d’une hache et fit sauter la porte. Une vapeur dense et nauséabonde en sortit à leur rencontre. D’un bond Giorgina fut dans la chambre ; elle vit l’enfant nu, étendu au-dessus d’une bassine, où son sang coulait goutte à goutte. Elle vit encore le valet lever la hache pour frapper Denner, et celui-ci, évitant le coup, assaillir le valet et lutter avec lui. Et puis il lui sembla entendre plusieurs