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de pâles sequins dans la poche, it attendit après la tombée de la nuit pour se glisser dans la ville, et il parvint, sans y avoir pris garde, sur la place Navona. Là il avait autrefois, dans des jours meilleurs, habité une belle maison voisine du palais Pamfili. Il regarda avec amertume les grandes croisées, brillant, ainsi que des glaces, aux rayons de la lune, dont les reflets y scintillaient comme des éclairs. « Hum ! dit-il sourdement, il en coûtera de la toile et des couleurs avant que je rétablisse là-haut mon atelier. » Mais tout-à-coup il éprouva un saisissement douloureux dans tous les membres, et se sentit abattu et découragé comme il ne l’avait jamais été de sa vie. « Pourrai-je donc, murmura-t-il entre ses dents, en se laissant tomber sur les degrés du pierre du palais, pourrai-je en livrer assez de toile peinte conforme au goût des sots ?… Ah ! il me semble que je suis à bout. »

Le vent froid et piquant de la nuit soufflait dans les rues. Salvator reconnut la nécessité de chercher un gîte. Il se leva avec peine et gagna en chancelant le Corso, d’où il tourna dans la rue Bergognona. Là il s’arrêta devant une petite maison, n’ayant que deux fenêtres en largeur, et qu’habitait une pauvre veuve avec ses deux filles. Elle l’avait hébergé à peu de frais lorsqu’il était venu à Rome, pour la première fois, inconnu et sans réputation, ce qui lui faisait espérer de retrouver chez elle un asile approprié à sa triste situation actuelle.

Il frappa à la porte avec confiance en déclinant plusieurs fois son nom. Enfin il entendit la vieille,