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las, Monsieur, répondit Andrès, pardonnez-moi ! mais une voix intérieure me dit que je ne dois pas prendre cet argent qui ne m’est pas dû. Or cette voix intérieure, à laquelle je me suis toujours confié comme à une suggestion céleste de mon saint patron, m’a jusqu’à cette heure toujours guidé dans le droit chemin, et m’a préservé de tout danger, corps et âme. Voulez-vous pourtant faire acte de libéralité et m’honorer encore d’un bienfait, moi pauvre homme ? — Laissez-moi un petit flacon de votre potion merveilleuse, pour que sa vertu remette ma femme en complète santé… »

Mais Giorgina se mit sur son séant, et, jetant sur Andrès un regard triste et languissant, elle semblait le supplier de se départir en cette occasion de la rigueur de ses scrupules et d’accepter le don du généreux étranger. Celui-ci s’en aperçut. « Eh bien, dit-il, si vous ne voulez absolument pas accepter mon argent, j’en fais présent à votre femme bien-aimée, qui ne dédaignera pas ma bonne intention de vous soustraire aux souffrances de la misère. » Alors il puisa de nouveau dans la bourse, et s’approchant de Giorgina, il lui donna au moins le double de la somme qu’il avait d’abord offerte à Andrès. Giorgina regardait les belles pièces d’or étincelantes, l’œil pétillant de plaisir, et des larmes coulaient le long de ses joues, sans qu’elle pût proférer un mot de remerciment. L’étranger s’écarta promptement d’elle et dit à Andrès : « Voyez, mon cher Monsieur, si vous pouvez craindre d’accepter ce que je vous offre, quand ce n’est pour moi qu’une misère relati-