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tinuant à marcher. Nathanael la suivit, ils arrivèrent devant le professeur. « Vous vous êtes entretenu avec ma fille d’une manière extraordinairement vive, dit celui-ci en souriant : eh bien, mon cher monsieur Nathanael, si vous trouvez du goût à converser avec cette jeune fille naïve, vos visites seront bienvenues. » — Nathanael partit ivre de joie et le cœur épanoui.

La fête de Spallanzani fut le sujet des entretiens des jours suivants. Quoique le professeur n’eût rien épargné pour faire prouve de magnificence, néanmoins les plaisants trouvèrent à raconter mainte bizarrerie et mainte maladresse qui avaient été commises. Mais on glosait surtout sur la muette et raide Olympie, qu’on taxait, malgré son extérieur séduisant, d’une stupidité absolue, et l’on expliquait par là pourquoi Spallanzani l’avait tenue si long-temps cachée. Ce ne fut pas sans une secrète fureur que Nathanael recueillit ces propos ; il se tut néanmoins, car, pensa-t-il, à quoi servirait de prouver à ces gens-là que c’est précisément leur propre stupidité qui les empêche de reconnaître l’âme profonde et sublime d’Olympie ? — Un jour Sigismond lui dit : « Frère4, dis-moi, je te prie, comment toi, un garçon raisonnable, tu as pu t’amouracher de cette poupée de bois là-bas ? d’une figure de cire ! » Nathanael allait répliquer avec emportement, mais il se ravisa soudain et repartit : « Dis-moi, Sigismond, toi, qui savais autrefois si bien discerner et comprendre le beau, comment les attraits divins d’Olympie ont pu échapper à ta pénétration ? Du reste, j’en rends grâce