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jeter maint regard oblique sur Nathanael, et celui-ci l’entendit rire tout haut dans l’escalier. « Eh bien, quoi ! pensa Nathanael, il rit de moi parce que je lui ai payé certainement sa petite lorgnette beaucoup trop cher… » Comme il répétait ces mots à voix basse : « Beaucoup trop cher ! » il crut, plein de frayeur, entendre résonner dans sa chambre un profond soupir de moribond ; son émotion intérieure lui coupa la respiration. — C’était lui-même qui avait soupiré, il ne put en douter. « Clara a bien raison, dit-il, de me regarder comme un absurde visionnaire ; — il est pourtant singulier…, oh ! plus que singulier, d’éprouver encore à présent, à la sotte pensée que j’ai payé trop cher cette lorgnette à Coppola, une émotion si étrange, sans pouvoir en pénétrer la cause. » — Il s’assit enfin pour terminer sa lettre à Clara ; mais un coup-d’œil du côté de sa fenêtre le convainquit qu’Olympie était encore là ; aussitôt, poussé par une force irrésistible, il se leva, saisit la lorgnette de Coppola et demeura enchaîné à la même place, s’enivrant de la vue d’Olympie, jusqu’à ce que Sigismond, son camarade et son ami, vint le chercher pour se rendre au cours du professeur Spallanzani.

Le rideau de la chambre fatale était soigneusement tiré. Nathanael ne put entrevoir Olympie ni de cet endroit, ni même de sa fenêtre, deux jours durant, quoiqu’il s’absentât à peine et qu’il eut continuellement l’œil appliqué à la lorgnette de Coppola. Le troisième jour on mit des rideaux aux croisées. — Absolument désespéré, dévoré d’ardeur et de