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près d’en venir aux mains, lorsque Clara se précipita entre eux deux : « Hommes féroces et détestables ! s’écria-t-elle en sanglottant, percez-moi le sein du moins avant ce combat, car y pourrais-je survivre quand l’amant aura tué le frère, ou le frère l’amant ! » — Lothaire laissa tomber son arme et tenait ses regards baissés vers la terre ; mais Nathanael sentit se réveiller dans son cœur, avec une émotion déchirante, tout son amour pour la charmante Clara, tel qu’aux plus beaux jours de son heureuse jeunesse. Le fer meurtrier s’échappa de sa main, il tomba aux pieds de Clara. « Pourras-tu me pardonner jamais, ma bien-aimée Clara !… Peux-tu me pardonner Lothaire, mon frère bien-aimé ! » — Lothaire fut touché de la profonde douleur de son ami. Tous trois scellèrent leur réconciliation par des embrassements mêlés de larmes, et ils jurèrent de rester désormais unis d’une affection constante et inviolable.

Il semblait à Nathanael qu’il fût délivré d’un poids bien lourd qui l’avait écrasé jusqu’alors, il lui semblait que sa résistance à l’oppression de la puissance occulte qui l’obsédait avait sauvé tout son être d’une ruine imminente. Il passa encore trois jours pleins de bonheur auprès de ses amis, puis il retourna à G.... où il se proposait de rester encore une année, pour revenir ensuite se fixer à jamais dans sa ville natale.

On avait caché à la mère de Nathanael tout ce qui avait rapport à Coppelius ; car on savait qu’elle ne pouvait penser à lui sans horreur, parce qu’ainsi