Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/307

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sous des pierres froides et massives ; — ma respiration était suspendue ; — ma mère me saisit par le bras en me voyant demeurer immobile : « Viens, Nathanael, viens donc ! » Je me laissai emmener, j’entrai dans la chambre. « Sois tranquille, sois tranquille, mets-toi au lit. — Dors ! — dors ! » me dit ma mère en s’éloignant. Mais, tourmenté d’une frayeur et d’une anxiété indéfinissables, je ne pus fermer l’œil. L’odieux, l’horrible Coppelius était devant moi avec des yeux étincelants et me souriait d’un air moqueur : je m’épuisais en vains efforts pour me délivrer de cette vision… Il pouvait être à peu près minuit, lorsque se fit entendre un bruit terrible pareil à l’explosion d’une arme à feu. Toute la maison en retentit, quelqu’un passa bruyamment devant ma chambre, et puis la porte extérieure se ferma avec fracas. « C’est Coppelius ! » m’écriai-je avec horreur, et je sautai hors de mon lit. J’entendis des cris déchirants de désespoir ; je m’élançai dans la chambre de mon père, la porte était ouverte, une fumée étouffante me suffoqua en y entrant ; la fille de service criait : « Ah, mon maître ! mon maître !… » Devant le foyer fumant, sur le plancher, mon père était étendu mort, la figure noire, brûlée, et les traits horriblement décomposés ; à côté de lui, mes sœurs criaient et se lamentaient, ma mère était évanouie auprès d’elles. « Coppelius ! Satan ! scélérat ! tu as tué mon père ! » m’écriai-je et je perdis l’usage de mes sens. — Quand, le surlendemain, on mit mon père dans le cercueil, l’aspect de son visage était redevenu doux et bon, comme de son vivant.