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par Coppelius. La terreur et l’angoisse m’avaient donné une fièvre ardente dont je fus malade durant plusieurs semaines. — « L’homme au sable est-il encore là ? » ce fut mon premier mot raisonnable et le signe de ma guérison et de mon salut. Je n’ai plus qu’à te raconter le plus affreux événement de mon jeune âge, et tu seras alors convaincu que ce n’est pas aveuglement de ma part, si tout aujourd’hui me semble décoloré ; mais qu’une fatalité mystérieuse a réellement étendu sur ma vie un voile de nuages sombres, auquel peut-être il ne me sera permis de me soustraire qu’en mourant !

» Coppelius ne se montra plus : on disait qu’il avait quitté la ville.

» Il pouvait s’être écoulé un an, lorsqu’un soir, suivant l’ancienne et immuable coutume, nous étions assis en cercle à la table ronde. Mon père était fort gai et nous faisait beaucoup de récits amusants des voyages qu’il avait entrepris dans sa jeunesse. Soudain, au coup de neuf heures, nous entendîmes la porte de la maison crier sur ses gonds, et des pas lents et pesants comme du fer retentir dans le vestibule, puis sur l’escalier. « C’est Coppelius ! dit ma mère en pâlissant. — Oui…, c’est Coppelius, » reprit mon père d’une voix sourde et cassée. Les larmes jaillirent des yeux de ma mère : « Mais, père, s’écria-t-elle, père ! faut-il donc qu’il en soit ainsi ? — C’est pour la dernière fois, répliqua-t-il, qu’il vient ici, je te le promets. Va, va-t-en avec les enfants ; allez ! — allez au lit. Bonne nuit ! »

» Il me semblait que j’avais la poitrine oppressée