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horrible. Quand j’entendais le soir le bruit qu’il faisait en montant, je frissonnais de peur et d’angoisse. Ma mère ne pouvait tirer de moi que ce cri balbutié entre mes sanglots : « L’homme au sable ! l’homme au sable !… » Là dessus, je courais me réfugier dans la chambre à coucher, et durant toute la nuit, j’étais tourmenté par la terrible apparition de l’homme au sable.

» J’étais déjà devenu assez grand pour concevoir que le conte de la vieille bonne sur l’homme au sable et son nid d’enfants dans la lune pouvait bien n’être pas tout à fait fondé ; et cependant l’homme au sable resta pour moi un terrible fantôme, et j’étais saisi d’effroi, d’une secrète horreur, quand je l’entendais, non-seulement monter dans l’escalier, mais aussi ouvrir brusquement la porte du cabinet de mon père et la refermer. Quelquefois il restait plusieurs jours de suite sans venir, et puis ses visites se succédaient immédiatement. Ceci dura pendant plusieurs années, et je ne pus m’accoutumer à l’idée de ce revenant odieux ; l’image de ce terrible homme au sable ne pâlissait pas dans mon esprit : ses relations avec mon père vinrent occuper de plus en plus mon imagination. Quant à questionner mon père à ce sujet, j’étais retenu par une crainte invincible ; mais pénétrer le secret par moi-même, voir de mes yeux le mystérieux homme au sable, l’envie bouillonnait dans mon sein et ne fit que s’échauffer avec l’âge. — L’homme au sable m’avait entraîné dans la sphère du merveilleux, du fantastique, dont l’idée germe si facilement dans le cerveau des enfants.