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sourd et étrange m’ayant causé plus de frayeur qu’à l’ordinaire, je demandai à ma mère, pendant qu’elle nous emmenait : « Dis donc, maman, qui est donc ce méchant homme au sable qui nous chasse toujours de chez papa ? quel air a-t-il ? — Il n’y a point d’homme au sable, mon cher enfant, répondit ma mère ; quand je dis : Voici l’homme au sable ! cela veut dire seulement : vous avez sommeil, et vous ne pouvez tenir les yeux ouverts, comme si l’on vous y avait jeté du sable. » — La réponse de ma mère ne me satisfit pas, et dans mon esprit d’enfant s’enracina la conviction que ma mère ne niait l’existence de l’homme au sable que pour nous empêcher d’en avoir peur ; car je l’entendais constamment monter l’escalier.

» Plein de curiosité d’apprendre quelque chose de plus précis sur cet homme au sable et sur ses rapports avec nous autres enfants, je demandai enfin à la vieille femme qui avait soin de ma petite sœur : « Quel homme c’était que l’homme au sable ? — Ah, Thanel, répondit celle-ci, tu ne le sais pas encore ? C’est un méchant homme qui vient trouver les enfants quand ils refusent d’aller au lit ; alors il jette de grosses poignées de sable dans leurs yeux, qui sortent tout sanglants de la tête ; puis il les enferme dans un sac, et les emporte dans la lune pour servir de pâture à ses petits, qui sont dans leur nid. Ceux-ci ont, comme les hiboux, des becs crochus avec lesquels ils mangent les yeux aux petits enfants qui ne sont pas sages. » — Dès ce moment, l’image du cruel homme au sable se peignit en moi sous un aspect