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fus d’une destinée affreuse me menacent et m’enveloppent comme de sombres nuages impénétrables à tout rayon lumineux. — Enfin il faut que je te confie ce qui m’est arrivé, maintenant il le faut, je le vois bien ; mais, rien que d’y penser, il m’échappe un rire involontaire, comme si j’étais devenu fou. — Ah ! mon bon ami Lothaire ! comment vais-je m’y prendre pour que tu comprennes que ce qui m’est arrivé récemment a dû réellement jeter dans ma vie un trouble aussi funeste ? Si tu étais ici, tu pourrais te convaincre de ce que j’avance, tandis que tu vas sûrement me traiter de visionnaire radoteur. — Bref, l’événement épouvantable en question, et dont je m’efforce en vain d’atténuer l’impression mortelle, consiste uniquement en ce qu’il y a quelques jours, c’était le 20 octobre, à l’heure de midi, un marchand de baromètres entra dans ma chambre pour m’offrir de ses instruments. Je n’achetai rien, et le menaçai de le jeter par les escaliers ; sur quoi il s’éloigna de son plein gré. — Tu prévois bien que certains rapports tout particuliers et essentiels dans ma vie peuvent seuls donner à cette rencontre une signification raisonnable, et que la personne de cet odieux brocanteur doit avoir sur moi quelque influence bien pernicieuse. — Il en est ainsi effectivement. — Je vais me recueillir de tout mon pouvoir pour te raconter, avec calme et patience, certains détails de mon enfance que l’activité de ta pensée saura transformer en tableaux vivants et colorés.

» Je te vois déjà rire à cette lecture, et j’entends Clara s’écrier : « Mais ce sont de vrais enfantillages ! »