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proviste, il se rencontra justement avec la dame Barbara Rolloffin.

La vieille Barbara n’eut pas plus tôt aperçu l’étranger, qu’il lui échappa un cri de joie retentissant et prolongé. Les rides profondes de son visage parurent s’effacer tout-à-coup, ses lèvres et ses joues pâles s’animèrent d’un faible coloris ; enfin, elle semblait jouir d’un dernier reflet d’une jeunesse et d’une beauté congédiées depuis bien long-temps.

« Ah ! ah ! — s’écria-t-elle, est-ce réellement vous que je vois ici, messire ? daignez recevoir mes plus humbles salutations. » En même temps, Barbara Rolloffin se mit presque à genoux devant l’étranger. Celui-ci pourtant, dont les yeux projetaient des flammes, lui répondit d’un ton courroucé. Mais personne ne comprit ce qu’il dit à la vieille, qui, redevenue pâle et ridée, alla se réfugier dans un coin.

« Mon cher M. Lutkens, dit alors l’étranger au conseiller, prenez bien garde qu’il n’arrive un malheur chez vous, et veillez surtout à ce que l’accouchement de votre femme ait lieu sans accident. Il s’en faut que la vieille Barbara Rolloffin soit aussi habile dans sa profession que vous paraissez le supposer. Je la connais depuis long-temps, et je sais positivement qu’elle a plus d’une fois compromis l’accouchée et son enfant. »

Cette étrange scène avait frappé M. Lutkens et sa femme d’une certaine anxiété. Ils conçurent même le grave soupçon que Barbara Rolloffin s’adonnait à de pernicieuses pratiques, et ils ne pouvaient