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rappeler aux personnes pieuses que leurs corps étaient périssables et leurs âmes immortelles. En disant cela, il ne manquait pas de verser quelques larmes, ce qui touchait excessivement ses auditeurs.

L’étranger assistait à chaque convoi, suivant le corps d’un air révérencieux, et donnant les marques d’une affliction telle que ses gémissements et ses sanglots l’empêchaient de mêler sa voix aux cantiques religieux.

Mais autant il semblait en ces circonstances pénétré de chagrin et de pitié, autant il manifestait de plaisir et de joie aux noces des bourgeois, qui se célébraient alors en grande pompe à Hôtel-de-Ville. Il chantait toujours, avec non moins de vigueur que d’agrément, et en s’accompagnant sur la guitare, une foule de chansons des plus variées ; et même il dansait pendant des heures entières avec la mariée et les demoiselles, sans se fatiguer, et dissimulant très-adroitement le défaut de sa jambe infirme. Il faisait paraître d’ailleurs dans tout cela une décence et une modestie particulières. Mais, bien mieux, et ce qui rendait surtout agréable aux jeunes mariés la présence de l’étranger, c’est qu’il avait l’habitude d’offrir à chacun des deux époux des présents d’une grande richesse, comme des chaînes et des boucles d’or, ou d’autres objets précieux.

La piété, les vertus, la libéralité et les mérites de l’étranger furent bientôt connus de toute la ville de Berlin, et, comme cela était immanquable, le bruit de sa réputation parvint aux oreilles de l’élec-