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désespoir ; il se mit sur leurs traces, rejoignit le conseiller et arriva à H…. à la même heure. — « Le voir une seule fois et puis mourir ! dit Antonia suppliante. — Mourir ! — mourir ! » s’écriait le conseiller dans un violent transport. Un frémissement glacial le faisait tressaillir. — Sa fille ! le seul être au monde qui enflammât son cœur d’une joie qu’il n’avait jamais goûtée, qui, seule, le réconciliait avec la vie, songer à s’arracher violemment de son cœur !Alors il résolut de laisser l’atrocité se consommer. — B*** dut se mettre au piano : Antonia chanta, Krespel jouait gaiment du violon jusqu’à ce que les taches rouges apparurent sur les joues de sa fille. Il ordonna alors d’interrompre ; mais, quand B*** prit congé d’Antonia, elle tomba subitement en jetant un cri aigu. « Je crus, me dit Krespel, qu’ainsi que je l’avais prévu, elle était réellement morte, et, comme je m’étais volontairement résigné aux plus grands malheurs, je demeurai très calme et mon sang-froid ne se démentit pas. Je saisis par les épaules B***, qui, dans son saisissement, avait l’air hébété et stupide, et je lui dis : (Le conseiller prit son ton de voix chantant), Puisque, selon votre désir et votre volonté, digne et estimable maître de clavecin, vous avez réellement tué votre chère fiancée, vous pouvez à présent partir tranquillement ; à moins que vous ne daigniez attendre un peu, pour que je vous plonge dans le cœur ce brillant couteau de chasse, et pour que ma fille, qui, comme vous le voyez, pâlit excessivement, recouvre un peu de ses couleurs grâce à votre sang très-précieux. Courez