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inadmissible dans la sphère du chant humain. Mais aussi sa mort prochaine en serait la conséquence : car, si elle continue à chanter, je lui donne, tout au plus, encore six mois à vivre. »

Le conseiller se sentit déchiré intérieurement comme par mille coups de poignard. Il lui semblait voir un bel arbre, qui se parait pour la première fois d’une floraison magnifique, condamné à être scié à sa racine pour ne plus reverdir jamais. Sa résolution était prise, il révéla tout à Antonia, et lui proposa le choix entre ces deux partis : ou s’unir à son fiance et céder à ses séductions et à celles du monde pour mourir bientôt ; ou bien vivre encore de longues années, si elle voulait assurer à son père, dans ses vieux jours, une paix et un bonheur dont il n’a jamais joui jusque là. Antonia se jeta en sangloltant dans les bras de son père, il n’exigea pas d’autre explication, prévoyant bien toute l’amertume des moments qui suivraient. Il parla à son fiancé ; mais, en dépit des serments que fit celui-ci de ne jamais permettre qu’un son musical sortit de la bouche d’Antonia, le conseiller était persuadé que B***, lui-même, ne pourrait pas résister à la tentation d’entendre Antonia chanter au moins un air de sa composition. Et le monde d’ailleurs, quand même il eût été prévenu du sort rèservé à Antonia, n’aurait sans doute pas renoncé à ses prétentions ; car le public musical, pour ce qui touche à ses jouissances, est une espèce égoïste et cruelle.

Le conseiller disparut avec Antonia de F.... et vint à H.... Le jeune B*** apprit leur départ avec