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rêvé d’en surprendre les fils les plus secrets ? — Elle n’est plus : le secret a cessé ! » — Krespel se recueillit, se leva et parcourut la chambre à pas silencieux. Je me permis de lui demander, comme une grâce, des éclaircissements ; il me regarda en face, me prit par la main et me conduisit à la croisée dont il ouvrit les deux battants. Accoudé sur le balcon, le corps penché en dehors, et les regards tournés sur le jardin, il me raconta l’histoire de sa vie. — Lorsqu’il eut fini, je le quittai touché et confus.

Voici, en peu de mots, les circonstances qui concernaient Antonia.

Vingt ans auparavant, le désir, dégénéré en passion, de rechercher et de se procurer les meilleurs violons des vieux maîtres, conduisit le conseiller en Italie. À cette époque, il n’en faisait pas encore lui-même, ni ne s’occupait de les démonter. À Venise, il entendit la célèbre cantatrice Angela ***, qui brillait alors du plus vif éclat dans les premiers rôles, sur le théâtre de San-Benedetto. L’enthousiasme qu’elle inspira à Krespel ne s’adressa pas seulement à l’art que la signora Angela pratiquait, à la vérité, dans la perfection, mais bien aussi à sa beauté ravissante. Le conseiller rechercha la connaissance d’Angela, et, malgré toute sa rudesse, il parvint, surtout grâce à son jeu hardi et éminemment expressif sur le violon, à captiver entièrement ses faveurs. La liaison la plus intime eut pour résultat, en peu de semaines, un mariage qui demeura secret, parce qu’Angela ne voulait renoncer ni au théâtre, ni au nom qui désignait la cantatrice célèbre,