seiller me retint de force en me disant avec le plus grand calme : « Restez, monsieur l’étudiant ! ne prenez pas ces épanchements de la douleur, qui me déchire avec des tortures inouies, pour de la folie : mais tout cela n’arrive que parce que je me suis fait, il y a quelque temps, une robe de chambre dans laquelle je voulais avoir l’air du destin,… de Dieu ! » — Le conseiller continua à débiter des propos extravagants et horribles, jusqu’à ce qu’enfin il tombât d’épuisement. À mes cris, accourut sa vieille gouvernante, et j’éprouvai du soulagement à respirer le grand air hors de cette maison.
Je ne doutai pas un instant que Krespel ne fût devenu fou ; toutefois le professeur soutenait le contraire. — « Il y a certains hommes, disait-il, auxquels la nature ou une circonstance particulière ont retiré le voile sous lequel nous autres nous commettons nos folies, sans provoquer le même scandale. Ils ressemblent à ces insectes à la peau transparente que fait paraître difformes le jeu actif et visible de leurs muscles, quoique tout s’adapte à sa place et forme un ensemble régulier.
» Ce qui en nous ne sort pas du domaine de la pensée, chez Krespel se transforme tout en action. L’ironie amère qui assiège notre esprit sous le joug des préoccupations matérielles, Krespel la manifeste par ses folles grimaces et ses sauts périlleux. Mais c’est là sa sauve-garde. Ce qui provient de l’essence terrestre, il le rend à la terre ; mais le principe divin, il sait le conserver, et je crois son intellect intime fort sain, malgré cette folie apparente et ses