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par elle ! il a été enterré avec elle, il est près d’elle dans la tombe. » — Profondément ému, je tombai sur un siège. Mais le conseiller commença à entonner, d’une voixrauque, une chanson des plus gaies, et c’était vraiment un affreux spectacle que de le voir, en même temps, sauter à cloche-pied autour de la chambre, tandis que le crêpe de son chapeau, qu’il n’avait pas quitté, tournoyait avec lui et frôlait les violons accrochés au mur. Je ne pus retenir un cri perçant, lorsque ce crêpe, à une pirouette rapide du conseiller, vint à passer sur ma tête ; il me semblait qu’il allait m’envelopper tout entier et m’entraîner dans le sombre et redoutable abîme de la folie. Le conseiller s’arrêta alors, et de sa voix chantante : « Mon petit ami ! dit-il. — mon petit ami ! — pourquoi cries-tu de la sorte ? aurais-tu vu l’ange de la mort ! cela précéde toujours la cérémonie ! » — Et puis il s’avança au milieu de la chambre, saisit violemment l’archet pendu à son ceinturon, l’éleva des deux mains au-dessus de sa tête, et le rompit si furieusement, qu’il le fit voler en mille éclats. Krespel se mit à rire très fort et s’écria : « Maintenant la baguette fatale est brisée sur moi, n’est-ce pas, mon cher enfant ? qu’en penses-tu ? Plus rien ! plus rien ! maintenant je suis libre, — libre, me voici libre ! — vivat ! je suis libre ! — maintenant je ne fabrique plus de violons ! — plus de violons, vivat ! plus de violons.3 » — Le conseiller chantait ces paroles sur une cadence d’une gaîté infernale, en faisant toujours des cabrioles à cloche-pied.

Plein d’horreur, je voulais m’enfuir ; mais le con-