Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/261

Cette page n’a pas encore été corrigée

italianisés chantant un air de Pucitta ou de Portogallo, ou de quelqu’autre maestro di capella, ou plutôt schiavo d’un primo uomo2. » Voici le moment ! pensai-je. « N’est-ce pas, dis-je en me tournant vers Antonia, n’est-ce pas ? Antonia ne connaît rien de cette manière de chanter ? » et en même temps, j’entonnai un air admirable et passionné du vieux Leornardo Leo. Les joues d’Antonia se colorèrent soudainement, ses yeux ranimés étincelérent d’un céleste éclat ; elle s’élança près du piano, elle ouvrit les lèvres… Mais, au même instant, Krespel la poussa en arrière, et, me prenant par les épaules, il me cria d’une voix aiguë de tenore : « Mon ami ! — mon ami ! — mon ami ! » — et il continua de son ton chantant et avec une contenance polie et révérencieuse en me tenant par la main : « Sans doute, mon digne et respectable monsieur l’étudiant, cela choquerait toutes les convenances et les bons usages, si j’exprimais hautement et sans réserve le désir que Satan vous tordit bien doucement le cou de ses griffes brûlantes, et qu’il vous expédiât ainsi au plus tôt votre compte ; mais à part cela, vous conviendrez, mon très cher, qu’il fait considérablement sombre, et, comme il n’y a point aujourd’hui de lanterne allumée, vos chers petits os courraient risque d’être endommagés, quand même je ne vous jetterais pas précisément par les escaliers. Rentrez donc gentiment au logis, et gardez un souvenir bénévole de voire véritable ami, s’il arrivait que… comprenez-vous bien ? — que vous ne le trouvassiez dorénavant jamais chez lui. » — À ces mots, il m’embrassa et me fit