Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/259

Cette page n’a pas encore été corrigée

de piquant et de spirituel, aussitôt avec un doux sourire un vif incarnat se répandait sur ses joues, qui n’en gardaient, hélas ! qu’un instant la mourante lueur. Je m’entretins avec Antonia en toute liberté, et je ne remarquai absolument rien dans Krespel de ces regards d’Argus que lui avait attribués le professeur. Il demeura, au contraire, constamment dans son état habituel, et même il paraissait satisfait de nous voir converser ensemble. Il arriva donc que mes visites au conseiller devinrent plus fréquentes, et que l’habitude réciproque de nous voir communiqua à notre petit cercle en trois personnes certain charme délicieux qui nous procurait un intime plaisir.

Le conseiller avec ses singularités me réjouissait toujours autant ; mais ce n’était en réalité que la société d’Antonia qui m’attirait par une séduction irrésistible, et me faisait supporter maintes choses auxquelles, sans cela, impatient comme je l’étais alors, j’aurais eu hâte de me soustraire. Dans l’originalité et la bizarrerie du conseiller, il ne se mêlait, en effet, que trop souvent des circonstances insipides et contrariantes ; mais ce qui me déplaisait surtout, c’était, chaquefois que j’amenais la conversation sur la musique, et particulièrement sur le chant, de le voir m’interrompre avec son sourire diabolique et son accent traînant et insupportable, pour mettre sur le tapis quelque propos complètement hétérogéne et presque toujours des plus trivials. Au mécontentement plein d’amertume qui se peignait alors dans les yeux d’Antonia, je devi-