en jouer devant moi ? » Mais Krespel prit son air aigre-doux, et dit de sa voix traînante et cadencée : « Non ! mon très cher monsieur l’étudiant. » — La chose en resta là. Il me fallut continuer à examiner avec lui toutes sortes de raretés, puériles pour la plupart ; enfin, il chercha dans une petite boite, et en tira un papier plié, qu’il me mit dans la main, en me disant avec beaucoup de solennité : « Vous êtes un ami de l’art : acceptez ce don comme un souvenir bien cher, qui doit vous être à jamais précieux par-dessus tout. » En disant cela, il me poussa doucement du côté de la porte, et sur le seuil il m’embrassa. Dans le fait, c’était me mettre hors de chez lui d’une manière symbolique. En ouvrant le papier je trouvai un petit morceau d’une quinte, long d’un huitième de pouce à peu près, et le papier portait cette étiquette : « Morceau de la quinte dont feu Stamitz avait monté son violon, lorsqu’il donna son dernier concerto. »
Le congé impoli que je reçus, après avoir fait mention d’Antonia, semblait devoir me confirmer dans l’idée que je ne la verrais peut-être jamais. Mais il n’en fut pas ainsi : car, à ma seconde visite au conseiller, je trouvai Antonia dans la chambre l’aidant à l’assemblage des pièces d’un violon. L’extérieur d’Antonia ne causait pas, au premier abord, une forte impression, mais insensiblement il devenait impossible de détourner ses regards de l’œil bleu et des lèvres rosées de cette figure, empreinte d’une grâce et d’une délicatesse extraordinaires. Elle était très pâle ; mais, disait-on quelque chose