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monde en le voyant tournoyer précipitamment près d’une table chargée de porcelaines du plus grand prix, ni en le voyant se démener à côté d’une glace superbe qui touchait au plancher, et s’emparer même d’un vase à fleurs admirablement peint qu’il agitait en l’air comme pour en faire refléter les couleurs. En général, Krespel examina avec une scrupuleuse attention, en attendant le dîner, tout ce qui était dans le salon du professeur ; il détacha même un tableau du mur et le remit en place en grimpant sur un fauteuil ; il parla beaucoup et avec feu. Tantôt (ce fut surtout remarquable durant le dîner) il sautait brusquement d’un sujet à un autre, tantôt il ne pouvait se détacher d’une idée, y revenant à mille reprises, tombant dans des erreurs multipliées, et ne pouvant retrouver le fil de ses pensées jusqu’à ce qu’autre chose le frappât plus vivement. Sa voix était tantôt rauque et criarde, tantôt sourde, psalmodique et traînante, mais jamais sur le ton convenable à ce que Krespel disait.

Il fut question de musique ; on faisait l’éloge d’un nouveau compositeur : Krespel sourit et dit de sa voix basse et chantante : « Que je voudrais donc que Satan emportât sur ses ailes noires le maudit griffonneur de notes à dix mille millions de toises au fond des enfers ! » — Puis il s’écria avec transport et d’une voix effroyable : « C’est un ange du ciel ! tout en elle est harmonie, musique divine ! — la lumière et l’astre du chant ! » — En même temps ses yeux se gonflaient de larmes. Il fallait se rappeler qu’une heure auparavant on avait parlé d’une