Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/249

Cette page n’a pas encore été corrigée

Jusqu’à ce moment, je n’avais pas encore entretenu cet homme singulier. Son édifice l’occupait à un tel point, qu’il s’abstint de venir dîner les mardis chez le professeur M***, suivant son habitude, et que même il lui fit répondre, sur son invitation expresse, qu’il ne ferait point un pas hors de chez lui avant la fête d’inauguration de sa nouvelle maison. Tous ses amis et connaissances s’attendaient à un repas de cérémonie. Mais Krespel n’avait invité personne que la réunion des maçons, compagnons, apprentis et manœuvres qui avaient travaillé à sa maison. Il les traita avec la dernière recherche. Des gâcheux de plâtre dévoraient à belles dents de succulents pâtés de perdrix, des garçons charpentiers écharpaient avec délices des râbles de faisans rôtis, et d’affamés manouvriers se servaient sans façon eux-mêmes les morceaux les plus fins d’exquis ragoûts truffés. Le soir, leurs femmes et leurs filles se joignirent à eux, et l’on ouvrit un grand bal. Krespel valsa avec plusieurs femmes de maîtres maçons, puis il prit place au milieu des musiciens, et, le violon en main, dirigea l’orchestre jusqu’au jour.

Le mardi d’après cette fête, qui fit valoir Krespel comme un ami du peuple, je le rencontrai enfin, à ma grande joie, chez le professeur M***. On ne peut rien imaginer de plus surprenant que la manière d’être de Krespel. Gauche et raide dans ses mouvements, je craignais à chaque instant qu’il ne heurtât quelque chose ou ne commît une maladresse. Il n’en fut rien cependant, et on le savait d’avance, car la maîtresse de la maison ne s’émut pas le moins du