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Les assemblées dans sa maison de la Giudecca n’avaient pas échappé à la surveillance du Conseil des Dix ; mais il avait été impossible d’avoir à ce sujet aucune information précise. Cependant, l’un des conjurés, un marchand pelletier de Pise, nommé Bentian, se sentit touché de remords ; il voulait sauver du massacre son ami et parrain, Nicolò Leoni, qui siégeait au Conseil des Dix. Vers le soir il se rendit chez lui et le supplia de ne pas quitter sa maison de la nuit quelque chose qui se passât. Leoni, concevant des soupçons, retint de force le marchand pelletier, et, à force d’instances, apprit tout le complot. De concert avec Giovanni Gradenigo et Mario Cornaro, il convoqua sur-le-champ le Conseil des Dix à San-Salvator ; et de là, l’on prit, en moins de trois heures, des mesures propres à paralyser toutes les entreprises des conjurés dès leur manifestation.

Antonio avait été chargé de se rendre avec une bande à la tour de Saint-Marc et de faire sonner les cloches. En arrivant, il trouva la tour occupée en force par des troupes de l’arsenal, qui, à son approche, se précipitèrent sur lui la hallebarde baissée. Saisis d’une terreur subite, ses hommes s’enfuirent à la débandade, et lui-même s’échappa protégé par l’obscurité. Il entendit derrière lui les pas d’un homme qui le poursuivait, et bientôt il se sentit appréhendé. Son bras allait le délivrer de cet assaillant, quand à une lueur fortuite il reconnut Pietro. « Sauve-toi, s’écria celui-ci, sauve-toi, Antonio ! dans ma gondole ! — Trahison ! tout est perdu — Bodoeri, Nenolo sont au pouvoir de la seigneurie ;