tecteur ! » — Nenolo releva le jeune homme, le serra dans ses bras, puis il dit d’une voix douce : « Oui, je suis bien Bertuccio Nenolo, que toi aussi tu as cru sans doute enseveli au fond de la mer, et qui vient d’échapper tout récemment à l’étroite captivité où me tenait le farouche Morbassan ; Bertuccio Nenolo qui te recueillit et qui ne pouvait prévoir que les stupides serviteurs, envoyés par Bodoeri pour prendre possession de cette maison de campagne qu’il avait achetée, t’en chasseraient sans pitié. — Jeune homme aveuglé ! quoi ! tu hésites à prendre les armes contre une caste tyrannique dont la cruauté t’a ravi ton propre père ? — Oui ! va dans la cour du fontego, c’est le sang de ton père dont les dalles du pavé ont gardé les taches encore visibles. Quand la seigneurie loua aux marchands allemands les magasins que tu connais sous le nom de fontego, il fut défendu à tous ceux à qui l’on accordait des chambres d’en garder les clefs avec eux durant leurs voyages. Ils étaient obligés à les laisser chez le fondegaro. Ton père avait contrevenu à cette loi, et avait déjà encouru une sévère punition. Mais lorsqu’enfin les chambres de son dépôt furent ouvertes à son retour, il se trouva parmi ses marchandises une caisse de fausse monnaie de Venise. Ce fut en vain qu’il protesta de son innocence. Sans aucun doute, quelque traître infernal, peut-être le fondegaro lui-même, avait introduit la caisse pour consommer la ruine de ton père. Dans le seul fait de cette découverte, les juges inexorables trouvèrent une preuve suffisante contre lui, et le condamnèrent à mort ! — C’est dans
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