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place, le vieux Bodoeri se trouva devant lui accompagné de quelques serviteurs munis de torches. Bodoeri examina attentivement le jeune homme, puis il dit : « Ah ! tu es Antonio, on t’a mandé ici, je le sais : suis-moi. » — Antonio, convaincu que ses intelligences avec la dogaresse étaient découvertes, n’obéit pas sans frayeur. Quel fut son étonnement quand, après être arrivé dans une pièce écartée, Bodoeri l’embrassa et parla du poste important qui lui avait été confié et qu’il devait cette nuit même défendre avec courage et résolution. Sa surprise se changea en anxiété et en terreur, lorsqu’il apprit que depuis long-temps se tramait contre la seigneurie une conspiration dont le chef était le doge lui-même, et que cette nuit même, d’après la résolution prise à la Giudecca dans la maison de Falieri, la seigneurie devait être renversée et Marino Falieri être proclamé duc souverain de Venise. Antonio regardait Bodoeri dans un profond silence. Celui-ci prit ce silence pour un refus de prendre part à l’exécution du terrible complot, et il s’écria courroucé : « Lâche ! fou ! tu ne sortiras plus du palais à présent, il te faut mourir ou prendre avec nous les armes. Mais parle d’abord à cet homme ! »

Du fond obscur de la chambre s’avançait une fière et noble figure. Dès qu’Antonio eut envisagé cet homme, dont il ne put distinguer et reconnaître les traits qu’à la lueur rapprochée des flambeaux, il tomba à genoux et s’écria, tout hors de lui, à cette apparition inattendue : « Ô seigneur souverain des cieux ! mon père Bertuccio Nenolo, mon cher pro-