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Maintenant que nous avons raconté les faits, maintenant qu’on peut compter tous les jours de la vie d’Hoffmann consacrés, presque sans exception, à un utile emploi, à un but positif, quelle surprise n’éprouvera-t-on pas au souvenir des portraits imaginaires décorés de son nom, et de tant de récits infidèles propagés sur son compte ?

Sur la foi de ces ingénieux narrateurs, qui se serait attendu à trouver dans Hoffmann un homme posé, érudit, bon mari, chef de maison entendu ? qui aurait voulu croire que le jeune élève de Barthole, devenu habile magistrat et savant jurisconsulte, n’aurait peut-être pas écrit ces contes qui devaient illustrer son nom, sans la destinée imprévue qui vint l’arrêter au milieu de sa carrière sérieuse, dans la maturité de l’âge ? Bref, qui reconnaîtrait jamais dans le personnage fantasque, dont les travers supposés ont fourni tant d’arguments gratuits aux feuilletons, l’étudiant zélé de Kœnigsberg, le joyeux assesseur de régence à Posen, l’artiste multiple, le juge laborieux, l’auteur enfin d’innombrables rapports de justice criminelle ou civile, cités comme des modèles de précision, de dialectique et de lucidité ? Voilà pourtant l’homme qu’on nous a dépeint comme un extravagant aigri par les revers de la fortune, victime d’une fatalité diabolique, sans cesse aux prises avec les fantômes menaçants d’une imagination déréglée, et ne puisant enfin ses inspirations factices que dans les excès de l’ivresse, et de la conduite de vie la plus anormale !

Parce qu’Hoffmann, au déclin de sa vie, fatigué du