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Le vieux Falieri se prit à rire si fort que sa barbe et son menton en tremblèrent. « Que cela ne t’affecte pas, dit-il, ma colombe, on repose bien mieux dans tes bras doux et chauds, que sur le sein humide de cette froide épouse. » Au moment où le doge prononçait ces mots, une musique éloignée commença à se faire entendre, et l’on distingua les sons d’une douce voix d’homme, chantant ces vers qui glissaient sur les flots :

Ah ! senza amare
Andare sul mare
Col sposo del mare
Non può consolare.

D’autres voix se joignirent à la première, et l’on entendit ces paroles répétées dans des modes différents, jusqu’à ce que l’écho mourant des derniers accords se confondit avec le souffle du vent.

Le vieux Falieri semblait ne prêter au chant aucune attention, et il se mit à raconter très longuement à la dogaresse le but et l’origine de la cérémonie du jour de l’Ascension, où le doge se marie avec la mer, en jetant un anneau dans ses vagues du haut du Bucentaure. Il parla des victoires de la république, il dit comment l’Istrie et la Dalmatie avaient été conquises sous le gouvernement de Pietro Urseolus second, et comment cette conquête avait donné lieu à la fondation de cet usage. Mais si le vieille Falieri ne fit nulle attention au chant lointain, en revanche, sa narration fut complètement perdue pour la dogaresse. Elle était là, entièrement préoc-